Héberger ou libérer l'innovation ?

Il y a quelques jours, au cours d’une table ronde, j’entendais un intervenant expliquer les nouveaux développements informatiques qu’il pilotait dans son organisation, concluant en disant *”et il faudra bien poser ces développements quelque part, on est d’ailleurs ouverts à héberger dans le cloud”*.

C’est une étape intéressante, et je ne bouderai pas le plaisir de voir qu’on est susceptible de répondre à ce besoin simple d’hébergement. Ce que j’espère que cet intervenant puisse découvrir ensuite, une fois cette première étape franchie, c’est que le cloud n’est pas seulement un “hébergeur”, c’est un facilitateur, un puissant libérateur d’innovation pour toute la chaine de création de valeur, ce qui est fourni, ce n’est pas seulement de la capacité de calcul, ce sont aussi des ensembles de briques de construction, d’automatisation, de sécurisation, etc…

Si on prend l’image de l’artiste peintre, dans la conception traditionnelle de l’informatique, le peintre devrait définir par avance exactement l’ensemble des couleurs dont il a besoin, attendre que les couleurs soient disponibles, noter les compositions des mélanges, peindre sur une première toile (“environnement de développement”), passer tout cela à une autre équipe qui refait les mêmes mélanges de peinture, recopie la toile (dans un format différent), et l’expose à quelques critiques d’art. Quand les critiques d’art sont satisfaits, on recopie à nouveau la toile pour l’exposer au grand public (chez “l’hébergeur” donc).

La proposition de valeur du cloud, c’est de mettre à tout instant à disposition du peintre des toiles de tous formats, une grande palette de couleurs, et dès qu’il le souhaite l’accrocher au mur pour l’exposer au public et l’améliorer ensuite en permanence. Et il ne paye que la peinture qu’il utilise, pas le pot entier.

Une fois, un de mes clients discutait avec un fournisseur de solution “SaaS” pour qu’il en installe une version dans son cloud privé hébergé dans son datacenter privé, et était déçu que celui-ci s’y refuse. Pourtant, les raisons pour lesquelles un éditeur ne souhaite pas nécessairement “exporter” ses solutions SaaS dans un autre environnement sont exactement liées à cette différence entre hébergement, et utilisation du cloud :

  • le fournisseur SaaS s’appuie généralement sur de nombreuses briques de construction packagées/managées, parce qu’elles lui permettent d’innover très vite : elles sont performantes, immédiatement disponibles et sans effort de configuration : aller vite est essentiel dans le monde logiciel, pour pouvoir tester en réel avec des clients/utilisateurs, et ajuster vite tout ce qu’il y a à ajuster. Il ne s’agit pas que des services “avancés” (machine learning,…) : même sur des briques très simples comme le stockage des données, s’il s’appuie sur S3 dans le cloud pour du stockage, il peut compter sur la très haute durabilité native (99,999999999%), ce qu’il n’atteindra très vraisemblablement pas dans un datacenter, ce qui l’obligerait à ajouter une couche de réplication/sauvegarde. Egalement, pour le monitoring, la sécurité, la répartition de charge, …
  • le fournisseur SaaS développe initialement ses services sans savoir dans le détail s’il aura du succès, ni quelles seront les profils de consommation de ses clients. La capacité à adapter automatiquement le dimensionnement à la réalité du besoin (“scalabilité”) est essentielle pour obtenir ainsi des coûts de fonctionnement en proportion de la réalité de l’usage, et donc les plus réduits possibles pour son client final.
  • le fournisseur SaaS fait évoluer en continu son service logiciel (et l’infrastructure sous-jacente). Il y a un seul système, utilisé par l’ensemble de ses clients. Il peut éventuellement gérer en parallèle plusieurs versions à des fins de test, mais c’est lui qui est responsable de la version délivrée ; en terme de support, de gestion de l’interopérabilité, de gestion des montées de version, … c’est beaucoup plus efficace de maîtriser complètemet le versionning que de dépendre de la bonne volonté du client pour monter de version.

Un logiciel SaaS, ce n’est donc pas juste un logiciel “hébergé dans le cloud” mis à disposition à la demande, ce n’est pas qu’une modalité particulière de commercialisation de logiciels. C’est aussi une autre façon, pour les fournisseurs logiciels, d’innover, de concevoir rapidement, de distribuer de façon cohérente et mondiale, leurs services.

Corrolaire : choisir un fournisseur cloud, ce n’est pas uniquement choisir un hébergeur, mais c’est aussi et surtout choisir un fournisseur de services qui permet de gagner du temps dans la conception et la délivrance de ses services, qui lui permet d’atteindre une très haute disponibilité, qui lui permet d’évoluer rapidement.